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Compte-rendu

Patients fumeurs symptomatiques : pas d’obstruction, pas d’inhalation.

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BPCO, syndrome obstructif, tabagisme, bronchodilatateurs

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BPCO, syndrome obstructif, tabagisme, bronchodilatateurs

Bronchodilators in Tobacco-Exposed Persons with Symptoms and Preserved Lung Function

M. K. Han et al., NEJM, 29.09.2022

Introduction

La moitié des patients exposés au tabac mais sans syndrome obstructif aux fonctions pulmonaires présente des symptômes respiratoires significatifs. Ce sous-groupe est sujet à des exacerbations respiratoires plus fréquentes que les personnes asymptomatiques, avec un impact sur la qualité de vie. L’étude RETHINC évalue l’effet des bronchodilatateurs inhalés chez les patients exposés au tabac et symptomatiques, mais sans syndrome obstructif.

Méthode

Etude randomisée, contrôlée, en double aveugle, multicentrique (Etats-Unis), de supériorité, stratifiée selon hôpital, selon tabagisme (actif ou ancien) et selon arrêt de la médication bronchodilatatrice garanti ou non. Inclusion : 40 à 80 ans et tabagisme à ≥10 UPA ancien ou actuel et VEMS/CVF >0.7 et symptomatologie respiratoire significative (score CAT ≥10) Exclusion : asthme ; autre pneumopathie ; traitement bronchodilatateur sauf si possible de faire une période de wash-out de 30 jours. Intervention : Indacatérol/glycopyrrolate (27.5/15.6 mcg) vs placebo 2x/j pendant 12 semaines. Issue primaire : Composite avec diminution de >4 points du score St George’s Respiratory Questionnaire (SGRQ) ou échec de traitement (c’est-à-dire une augmentation des symptômes entraînant traitement antibiotique, corticoïde ou bronchodilatateur).

Résultats

Randomisation de 535 patient.e.s (âge moyen 58.8 ans, femme 51.4%, caucasien 56.4%, fumeur actif 64.1%), entre 2015 et 2021, avec 261 patients dans le groupe interventionnel. Analyse en intention-de-traiter-modifiée sans différence significative des symptômes entre les deux groupes, soit une diminution du score SGRQ chez 128/227 (56.4%) patients dans le groupe intervention et 144/244 (59%) dans le groupe placebo (-2.6 points de différence ; IC 95% ; -11.6 à 6.3), ce qui se confirme dans l’analyse per protocol et dans les analyses de sensibilité.

Discussion

C’est le premier RCT évaluant le bénéfice des bronchodilatateurs chez les patients fumeurs symptomatiques sans critère de BPCO. Les résultats, négatifs, doivent être pondérés avec certains points très limitants de la méthodologie :

  • La durée de suivi sur 12 semaines uniquement, était courte pour juger de l’aspect « exacerbation » de l’issue composite primaire.
  • Le traitement inhalé administré est à « faible » dose comparé aux posologies commercialisées en Europe (27.5/15.6 mcg vs 110/50 mcg). C’est néanmoins une posologie efficace contre placebo dans l’étude FLIGHT-1/FLIGHT-2.
  • L’étude a été interrompue précocement pour des raisons financières, entravant le recrutement, incomplet donc, et diminuant la puissance statistique.
  • L’analyse a été faite en intention-de-traiter-modifiée, en retirant les patients sans données à la semaine 12, ce qui concerne environ 10% des patients randomisés et pourrait nettement influencer le résultat.

Finalement, à mentionner la non-exclusion de patients avec insuffisance cardiaque, dont les symptômes respiratoires pourraient être indépendants d’un tabagisme et donc sans réponse attendue aux bronchodilatateurs.

Conclusion

Pas d’argument donc pour prescrire des bronchodilatateurs aux patients fumeurs symptomatiques en l’absence de syndrome obstructif, mais avec une étude présentant plusieurs limitations méthodologiques. Ceci nous rappelle par contre l’importance de la spirométrie pour cette patientèle, afin d’éviter un traitement a priori futile. A l’avenir, les études devront s’atteler à identifier les patients les plus à risque de développer un syndrome obstructif, ainsi que les traitements entravant cette évolution ou améliorant les symptômes. Dans l’intervalle, pas d’obstruction, pas d’inhalation !

Date de publication Auteurs
31.10.2022

Stéphane Mouraux