Le paracétamol nous met la pression

Le paracétamol est largement utilisé dans la population générale, et notamment chez les patients hypertendus car les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont connus pour augmenter la tension artérielle (TA). Le paracétamol est-il vraiment dénué de risque dans cette population ? Voici la première étude randomisée s’intéressant à cette question.

Etude monocentrique, randomisée en double aveugle, contrôlée contre placebo, avec essai croisé. Inclusion : Patient·e·s ≥18 ans et hypertendu·e·s (TA ≤150/95 mm Hg sous ≥1 traitement, ou non traité·e·s avec TA ≥135/85 mais ≤150/95 mm Hg). Exclusion : Cardiopathie ischémique, insuffisance cardiaque, maladie cérébro-vasculaire, perturbation des tests hépatiques, IRC stade III à V, idées suicidaires. Individus déjà sous paracétamol, AINS, corticoïdes ou anticoagulants oraux. Intervention : Randomisation 1:1 paracétamol 1 g 4x/j (charge hydro-sodée négligeable) versus placebo durant 2 semaines. 2 semaines de wash-out puis croisement des participants pour traitement alternatif durant 2 semaines supplémentaires. Analyse per-protocole de la compliance avec paracétamolémie. Issue primaire : variation TA systolique moyenne diurne en ambulatoire après 2 semaines de paracétamol en comparaison avec placebo.

110 participants randomisés entre 09.2014 et 06.2019. Drop-out inférieur à 10%, 103 participants inclus pour analyses en intention de traiter. Augmentation de 4.7 mm Hg de la TAS diurne moyenne (de 132.8 à 136.5 mm Hg) et de 1.6 mm Hg de la TA diastolique diurne moyenne (de 81.2 à 82.1 mm Hg). Résultats similaires observés pour mesures de la TA en ambulatoire et sur 24h.

Etude de très bonne qualité démontrant des résultats inquiétants sur la sécurité du paracétamol chez les patients hypertendus. Limitations : Petit échantillon, individus caucasiens uniquement, patients non algiques. Effet mesuré sur 2 semaines, posant la question des conséquences à long terme. On retrouvait cependant une élévation rapide et constante de la TAS de J₄ à J₁₄, laissant penser à un effet persistant dans le temps.

L’augmentation de la TAS observée dans cette étude pourrait traduire une augmentation significative des évènements cardiovasculaires à un niveau populationnel. Le clinicien devrait donc surveiller activement le profil tensionnel de ses patients hypertendus consommant régulièrement du paracétamol, voire éviter si possible cette médication dans cette population.