Des fonctions pulmonaires sans discrimination raciale ?

La spirométrie est utilisée pour diagnostiquer et surveiller les maladies pulmonaires, en mesurant des paramètres comme le volume expiratoire maximale en une seconde (VEMS) et la capacité vitale forcée (CVF), qui sont comparés à des normes basées sur l’âge, le sexe, la taille et l’ethnie de personnes saines non-fumeuses (valeurs prédites). L’ajustement des résultats en fonction de l’origine ethnique a été critiqué pour ses usages historiques afin de justifier des déficiences physiques présumées, en particulier envers les personnes d’ascendance africaine. En 2022, le « Global Lung Function Initiative » (GLI) a décidé de retirer le critère basé sur l’ethnicité des équations de calcul des fonctions pulmonaires. Cette  étude s’intéresse à l’impact de ce changement. 

Etude rétrospective basé sur 5 cohortes américaines et britanniques. Inclusion : Patient⸱e⸱s avec âge, taille, sexe, groupe ethnique, comorbidités, statut tabagique et mesures spirométriques documentés. Issue primaire : Comparaison des résultats spirométriques d’après GLI-GLOBAL (neutres en termes d’ethnie) et GLI-2012 (avec ajustement à l’ethnie), pour évaluer l’impact de ces différences sur la population américaine au niveau clinique (présence ou non de maladie pulmonaire, sévérité du syndrome obstructif), professionnel/financière (éligibilité ou non à certains métiers et évaluation d’une incapacité de travail), de priorisation sur une liste de transplantation pulmonaire et de la prédiction des issues respiratoires (décès d’une maladie respiratoire, dyspnée d’effort…).

N= 369'077 aux Etats-Unis. Augmentation du diagnostic de syndrome obstructif dans toutes les populations, à l’exception de celle d’origine asiatique, entrainant une reclassification de 3.2 Mio de personnes aux USA. Les maladies respiratoires nonobstructives doubleraient chez les Afro-Américains, entrainant une augmentation du diagnostic de 2.34 Mio de personnes, et une diminution de 1.37 Mio chez les personnes hispaniques et de 5.37 Mio chez les personnes blanches. Au total, 12.5 Mio de personnes verraient leur diagnostic de maladie pulmonaire changer aux USA. Le nombre de personnes non éligibles à devenir pompier, ainsi que dans l’incapacité de travailler en raison d’une maladie respiratoire modérée/sévère liée à l’exposition professionnelle doublerait chez les Afro-Américains et diminuerait d’un quart chez les personnes blanches. 45% des candidats sur la liste d’attente  de greffe pulmonaire en 2020 seraient reclassés. En moyenne, les Afro-Américains et les personnes asiatiques avanceraient de 21.2 positions sur la liste (-3.4 jours), tandis que le temps d’attente augmenterait de 1.1 jours pour les personnes blanches et hispaniques. Finalement, les valeurs spirométriques ont une précision similaire pour prédire les issues respiratoires entre les groupes ethniques

L’étude révèle une augmentation importante des diagnostics des maladies pulmonaires, de leur 
sévérité, de l’incapacité professionnelle qui en découle et de la priorisation sur la liste d’attente de greffe pulmonaire chez les personnes d’ascendance africaine. Les auteurs soulignent que les anciennes normes spirométriques selon l’ethnie (valeurs prédites) pouvaient introduire des biais discriminatoires surtout envers la population afro-américaine, probablement en raison de sélections imparfaites des individus en bonne santé dans les différents groupes ethniques. Le retrait du critère racial dans la nouvelle classification (GLI-GLOBAL) permet de réduire ces inégalités et s’inscrit dans une tendance plus large à diminuer la discrimination raciale en médecine, similaire au retrait du critère racial pour la mesure de la fonction rénale

Les nouvelles équations de calcul pour la classification des maladies pulmonaires, ne comprenant plus le critère racial (GLI-GLOBAL), prédisent de manière similaire l’ensemble des issues respiratoires en diminuant les discriminations raciales, notamment envers la population afro-américaine.