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Compte-rendu

Attention aux risques de saignements en cas d’association de l’amiodarone avec les ACOD !

Attention aux risques de saignements en cas d’association de l’amiodarone avec les ACOD !

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amiodarone ; apixaban ; rivaroxaban ; ACOD ; NACO ; saignement ; hémorragie ; fibrillation auriculaire

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amiodarone ; apixaban ; rivaroxaban ; ACOD ; NACO ; saignement ; hémorragie ; fibrillation auriculaire

Risk for bleeding-related hospitalizations during use of amiodarone with apixaban or rivaroxaban in patients with atrial fibrillation. A retrospective cohort study

W. A. Ray et al., Annals of Internal Medicine, 23.05.2023

Introduction

L’amiodarone est le médicament le plus prescrit dans la fibrillation auriculaire (FA) lors d’une stratégie de contrôle du rythme cardiaque. Cependant ce traitement peut conduire à des interactions médicamenteuses en raison de son inhibition du cytochrome P450-3A4 ainsi que de la glycoprotéine-P, en particulier pour les anticoagulants oraux directs (ACOD) tels que l’apixaban et le rivaroxaban. Des études pharmacocinétiques ont démontré une augmentation des taux plasmatiques de ces deux ACOD en association avec l’amiodarone mais une méta-analyse des études cliniques sur les ACOD dans la FA n’a pas montré de risque de saignement augmenté chez plus de 3000 patients recevant de l’amiodarone. Plusieurs autres études de cohorte ou observationnelles ont montré des résultats divergents quant au risque hémorragique avec de multiples limitations (autres interactions potentielles, pas de groupe contrôle, nombre limité de patients). Les auteurs de cette étude rétrospective ont donc cherché à évaluer le risque hémorragique de cette association parmi les bénéficiaires Medicare aux Etats-Unis.

Méthode

Etude de cohorte rétrospective utilisant les données Medicare (assurance maladie pour patient(e)s ≥65 ans) et pondération grâce à des scores de propension avec >200 variables pour équilibrer les deux populations. Inclusion : FA avec anticoagulation par apixaban ou rivaroxaban introduite entre janvier 2012 et novembre 2018 compris, première introduction d’un antiarythmique (amiodarone vs flécaïnide/sotalol). Exclusion : FA valvulaire, insuffisance rénale de stade ≥4, dose non thérapeutique d’ACOD pour la FA, maladie terminale. Issue primaire : hospitalisations pour évènement hémorragique. Issues secondaires : évènements emboliques, mortalité d’origine hémorragique ou non.

Résultats

91’590 patients inclus, 54'977 avec amiodarone et 36'613 avec flécaïnide/sotalol, âge médian 76.3 ans, 52.5% de femmes, 41.7% sous rivaroxaban. Les patients avec amiodarone étaient plus âgés, plus comorbides et avec des scores CHA2DS2 VASc et HAS-BLED plus élevés, ce qui était corrigé par la pondération avec les scores de propension. Sur un suivi de 31'165 personnes/années, 1’739 hospitalisations pour hémorragie ont été enregistrées dont 233 pour hémorragies majeures. Les hospitalisations pour hémorragie étaient plus fréquentes sous amiodarone que sous flécaïnide/sotalol (56.5 vs 39.0 évènements par 1000 personnes-années [HR 1.44 ; IC 95%, 1.27-1.63]). Le risque hémorragique était nettement plus élevé avec le rivaroxaban que l’apixaban (28.0 vs 9.1 évènements supplémentaires par 1000 personnes-années). Pas de différence pour le risque d’évènements emboliques mais la mortalité était également plus élevée sous amiodarone (HR 1.28 ; IC 95%, 1.15-1.44), en particulier la mortalité liée à un évènement hémorragique récent (HR 1.6 ; IC 95% 1.35-2.03).

Discussion

Cette large étude qui a évidemment des limitations liées au caractère rétrospectif et aux populations comparées semble suggérer que l’association de l’amiodarone avec les deux ACOD les plus prescrits est associée avec un risque hémorragique augmenté. Le choix de comparer des patients sous amiodarone contre ceux sous flécaïnide/sotalol a permis de sélectionner des patients avec une même stratégie de contrôle du rythme. L’utilisation de scores de propension a permis de pondérer les nombreuses différences entre les deux populations, en particulier concernant la gravité de l’insuffisance cardiaque. L’amiodarone restant le premier choix dans nos contrées en tant qu’antiarythmique, de futures études devraient s’intéresser aux différents ACOD pour nous guider dans le choix de l’anticoagulation, même si l’apixaban semble à nouveau être associé à un moindre risque hémorragique que le rivaroxaban.

Conclusion

Les données de cette étude rétrospective suggèrent un risque hémorragique augmenté lors de l’association entre amiodarone et le rivaroxaban ou l’apixaban qui doit encore être confirmé par des données prospectives.

Date de publication Auteurs
29.06.2023

Timothée Favre-Bulle