Procédure de soin
Recommandations : La plaie
Adulte
Généralités
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Cadre de référence
Précautions Standard / Hygiène des mains
Hygiène, prévention et contrôle de l'infection (HPCi)
REFMED
Catalogue des examens
Tableau des antiseptiques au CHUV
Tableau des désinfectants au CHUV
Directive institutionnelle : Bonnes pratiques de documentation et de tenue du dossier patient du CHUV
Directive institutionnelle : Identitovigilance et port du bracelet d'identification des patients (BIP)
Directive institutionnelle : Gestion de la douleur
Contexte
Définition
Une plaie est une lésion de la peau représentée par une rupture de la continuité des tissus et une effraction de la barrière cutanée nécessitant un processus dynamique complexe pour être réparée ou cicatrisée. Elle peut être superficielle, n'intéressant que l'épiderme (érosion), une partie du derme ou être profonde avec exposition du tissu sous-cutané. Son évolution dépend de son étendue et de sa profondeur mais également de facteurs locaux ou généraux qui peuvent freiner ou empêcher sa guérison.
- Plaie aiguë
- Résulte d’une blessure chirurgicale ou traumatique et progresse à travers les phases de cicatrisation, en approximativement un mois.
- Plaie chronique
- Plaie qui dure depuis plus de 4 à 6 semaines. La plaie chronique ne traverse pas les stades de cicatrisation dans l'ordre ou dans le temps. Des maladies sous-jacentes (diabète, insuffisance veineuse/artérielle) ou des facteurs externes contribuent à la défaillance du processus de guérison. Le potentiel de guérison d'une plaie va dépendre des conditions locales et de l'état général du patient. La présence de certains facteurs locaux ou généraux peut être un indicateur des plaies à risque présentant peu de chance de guérison spontanée.
Types de plaies
- Plaie chirurgicale
- Incision de la peau créée intentionnellement.
- Plaie atone
- Plaie non évolutive, généralement sèche, souvent recouverte de tissu blanchâtre.
- Plaie contaminée
- Présence microbienne dans la plaie, flore commensale
- Plaie colonisée
- Prolifération bactérienne dans la plaie sans pour autant de réaction systémique immunitaire.
- Plaie infectée
- Invasion et multiplication des micro-organismes provoquant une réponse inflammatoire locale et/ou systémique et des symptômes et des signes cliniques d’infection (fièvre, chaleur, rougeur, douleur, œdème).
- Plaie sous-minée
- Comporte des anfractuosités plus ou moins sinueuses et profondes sous les berges de la plaie.
- Plaie cavitaire
- Comporte une partie creuse
- Plaie fistuleuse
- Comporte une communication entre un organe creux et la peau.
- Phlyctène (décollement bulleux)
- Ampoule vésiculaire transparente formée par de la sérosité sous-épidermique. S’il y a hémorragie, le contenu devient rouge puis noir et le risque d’infection est accru.
Recommandations de pratique
Une cicatrice évolue naturellement avec le temps. Il est donc parfois difficile de mesurer l’efficacité d’un traitement et de distinguer la part de l’évolution naturelle et celle du traitement.
Les recommandations issues de la revue systématique de la littérature effectuée en 2002 et mises à jour en 2014, ainsi que la guideline de 2014, donnent des lignes directrices basées sur des données probantes et des consensus d’experts.
Actuellement les traitements bien acceptés, fondés sur des preuves et recommandés sont :
- Non invasif : la pression ou compression et le silicone plaque ou gel ;
- Invasif : les injections de corticostéroïde intralésionnelles et la correction chirurgicale des cicatrices.
Les traitements plus expérimentaux et ceux avec moins de preuves sont :
- Non invasif : les huiles, lotions et crèmes, les thérapies par le massage, les attelles statiques et dynamiques et le suivi psychologique ;
- Invasif : les thérapies par le laser, la radiothérapie, la cryochirurgie, les injections intralésionnelles d’autres produits et les médicaments antihistaminiques.
A savoir que le silicone en gel ou plaque est universellement considéré comme la première option prophylactique et thérapeutique. L’efficacité et la bonne tolérance de ce traitement non invasif ont été démontrées dans de nombreuses études cliniques.
Facteurs généraux freinant le processus de cicatrisation
- Facteurs intrinsèques:
- Age
- Patient fortement dénutri
- Maladie concomitantes (maladies chroniques impliquant le système cardiorespiratoire, diabète, insuffisance rénale…)
- Oxygénation tissulaire insuffisante
- Immunodéficience
- Pathologie affectant la vascularisation tissulaire et son oxygénation :
- Artériosclérose
- Artérites et maladies des petits vaisseaux
- Insuffisance veineuse
- Insuffisance pulmonaire chronique
- Insuffisance lymphatique
- Facteurs extrinsèques
- Médication
- Traitements immunodépresseurs
- Corticothérapie
- Radio + chimiothérapie
- Infection
- Stress
- Facteurs iatrogènes
- Soins de plaie inappropriés
- Ischémie locale
- Déshydratation de la plaie
Processus de cicatrisation
La cicatrisation est un processus biologique complexe et dynamique aboutissant à la réparation d’une plaie. La durée de la cicatrisation est variable selon l’intensité, la contusion ou la surinfection.
Le traitement et les soins d’une plaie se laissent difficilement schématiser. Même en présence de lésions d’étiologie identique, le déroulement du processus de cicatrisation pourra se dérouler de façon totalement différente selon le type de plaies, la localisation ou la personne elle-même.
La cicatrisation normale d’une plaie suit un processus se déroulant en quatre phases :
- Phase 1 : Inflammatoire (détersivo-inflammatoire) : Après une vasodilatation avec saignement, se succède une constriction des extrémités vasculaires sectionnées, avec coagulation et production d’un exsudat riche en cellules (granulocytes, macrophages, monocytes) qui vont éliminer (phase de détersion), par voie lymphatique et/ou par formation de pus, les bactéries, les tissus morts et les microparticules étrangères.
A ce stade la plaie comporte tous les signes caractéristiques de l’inflammation : rougeur, tuméfaction, chaleur, douleur.
La dilatation des capillaires sanguins est responsable de la rougeur et de la chaleur. L’augmentation de leur perméabilité, en favorisant l’exsudation plasmatique, est responsable de la tuméfaction, de la chaleur et la douleur est due à la pression sur les terminaisons nerveuses sensibles.
Cette phase réactive dure généralement entre 3 et 6 jours. Phase 2 : Granulation ou proliférative : Cette phase correspond à la prolifération des fibroblastes, à l’angio-genèse et à la synthèse de la matrice extracellulaire.
Immédiatement après la phase inflammatoire, commence à s’organiser au sein d’un réseau de collagène et d’élastine (produit par les fibroblastes) un tissu de granulation avec néoformation de capillaires (néo-vascularisation ou angiogenèse) qui vont apporter in situ l’oxygène, les nutriments et les cellules nécessaires à la réparation tissulaire.- Les macrophages à ce stade jouent encore un rôle essentiel en fabricant des facteurs de croissance ou des cytokines capables de promouvoir la prolifération fibroblastique et de la synthèse collagénique. A ce stade, la cicatrice est une fibrose jeune contenant de nombreux fibroblastes et une trame fibrillaire lâche en périphérie de la perte de substance.
- Le bourgeon charnu est composé de fibroblastes, d’un infiltrat inflammatoire (monocytes, lymphocytes, polynucléaires), de fibrine en superficie et de néo-vaisseaux dans une trame fibrillaire œdémateuse.
La contraction de la plaie pour en rapprocher les berges est étroitement liée à la formation du tissu de granulation et à la transformation de certains fibroblastes en myofibroblastes capables de se contracter et de transmettre leur activité contractile au tissu environnant par interaction entre les protéines du cytosquelette et de la matrice extracellulaire.
Cette phase, très active dès le 7ème jour, peut durer jusqu’à 3 semaines.- Phase 3 : Épithélialisation : Après la réparation tissulaire, la plaie se rétracte et se recouvre progressivement d’un nouvel épithélium = processus d’épithélialisation.
Les cellules épidermiques capables de se diviser (cellules de la couche basales = kératinocytes) se multiplient et commencent à recouvrir le tissu de granulation en partant des berges de la plaie. Afin de pouvoir proprement migrer, ces kératinocytes ont besoin d’un tissu de granulation sain, humide et à niveau. A la suite de la formation de cette première couche cellulaire, l’épithélium est épaissi par division cellulaire et devient bientôt plus résistant. La plaie est fermée. - Phase 4 : Maturation : Cette phase dite de « maturation » commence dès les premiers jours dans le cas d’une plaie suturée, mais peut aussi durer des mois dans le cas de plaies étendues et largement ouvertes. Elle est caractérisée par un remodelage du tissu conjonctif et la formation d’une cicatrice.
Le tissu de granulation disparaît pour faire place à un tissu conjonctif fibreux. Les fibres de collagènes épaississent ce qui augmente la résistance aux forces de traction. Le nombre de capillaires diminue ainsi que le flux sanguin. L’eau et les vaisseaux excédentaires disparaissent alors, et la cicatrice se raffermit.
Les cicatrices sont néanmoins, dans tous les cas, moins résistantes et moins élastiques que la peau normale, en partie à cause d’un certain déficit en élastine.
Cette phase peut durer de plusieurs mois à 2 ans
Echelle colorielle visuelle internationale de la plaie
L’échelle colorielle visuelle internationale de la plaie décrit les différentes phases de cicatrisation de la plaie et permet d’utiliser un langage commun.
- Le poster des recommandations de pratiques institutionnelles est élaboré sur la base des connaissances scientifiques actuelles
- Elles font références à l’échelle colorielle visuelle et aide le professionnel à orienter sa prise en charge des plaies avec des propositions d’actions
- Ces recommandations ont été élaborées par des experts médicaux et infirmiers en plaies et cicatrisation du CHUV
Type de cicatrisation
- Cicatrisation par 1ère intention
- Lorsqu’une plaie présente peu/pas de perte tissulaire et que les bords peuvent être réunis à l’aide de sutures, cols, autres
La cicatrisation se fait rapidement -
- Lorsqu’une plaie présente peu/pas de perte tissulaire et que les bords peuvent être réunis à l’aide de sutures, cols, autres
- Cicatrisation par 2ème intention
- Lorsqu’une plaie ne peut pas être fermée par voie chirurgicale (perte de substance importante, œdème ou infection)
La cicatrisation se fait de manière dirigée à l’aide de pansements humides -
- Lorsqu’une plaie ne peut pas être fermée par voie chirurgicale (perte de substance importante, œdème ou infection)
- Cicatrisation par 3ème intention
- Processus aussi appelé « Cicatrisation par 1ère intention retardée »
La fermeture immédiate est empêchée (œdème, infection) Une fois contrôlé, la plaie est refermée chirurgicalement
La cicatrisation se fait alors par première intention -
- Processus aussi appelé « Cicatrisation par 1ère intention retardée »
Évaluation de la plaie
- Comprendre:
- Quel type de plaie
- Son origine
- Son potentiel de cicatrisation
- La durée de l’évolution de la plaie
- Observer:
- La localisation de la plaie
- Le lit de la plaie
- La morphologie
L’acronyme P O S S I B L E permet d’identifié l’ensemble des éléments important à l’évaluation de la plaie
Risques
Infection de la plaie
Prévention et attitude
- Le nettoyage de la plaie optimise le potentiel de guérison et diminue le risque d’infection
- Le nettoyage, par la douche ou le rinçage au sérum physiologique (NaCl 0.9%) accompagné d’un nettoyage mécanique de la plaie, permet d’enlever les débris cellulaires comme les bactéries, l’exsudat et les résidus potentiels des précédents pansements
- Utiliser du matériel stérile lors de la réfection du pansement.
- Dans le cas de suspicion d’infection ou d’infection avérée, procéder à une antisepsie circulaire (du centre vers la périphérie) avec l’antiseptique prescrit ou se référer au tableau des antiseptiques et désinfectants. Laisser sécher/agir l’antiseptique.
- Pour les plaies chroniques, l’usage des antiseptiques doit se limiter au traitement local d’une plaie infectée
- Parmi les experts, il est d’avis consensuel de ne pas utiliser les antibiotiques pour le traitement de l’infection d’une plaie, lorsque cette infection est circonscrite
Traitement local inadéquat de la plaie entrainant un retard de cicatrisation
Prévention et attitude
- Se référer aux actions proposées sur le poster en fonction de la phase de cicatrisation
- Appeler une infirmière spécialiste en soin de plaies de la cellule Plaies et cicatrisation pour une évaluation de la gravité de la lésion ainsi que les causes potentielles pour les plaies nécrotique ou fibrineuses et pour les plaies avec suspicion d’infection ou d’infection avérée
Détection des signes de complications
Prévention et attitude
- Ces signes peuvent être d’apparition soudaine ou insidieuse
- Dans ce cas, il est important d’explorer les diagnostics différentiels possibles:
- Œdème : insuffisance veineuse, thrombose veineuse profonde, compression abdominale d’origine X, troubles lymphatique d’origine X
- Ischémie : insuffisance artérielle, embole de cholestérol
- Inflammation : colonisation critique, irritation de contact
- Infection
- Nécrose
- Atteinte au pourtour de la plaie : macération, sècheresse, allergie de contact, infection (augmentation de l’exsudat), livedo (angiodermite nécrosante)
Douleur reliée au soin des plaies
Prévention et attitude
- Outils d’évaluation de la douleur : avant – pendant – après
- Approches non médicamenteuses
- Approches médicamenteuses
- Approches procédurales
- Préparer le patient
- Evaluer la douleur et adapter les analgésiques
- Utiliser des anesthésiques locaux, surtout lors des détersions
- Choisir un pansement adapté à l’état de la plaie
- Réévaluation de la douleur
- Documentation de la douleur et de sa prise en charge
Suivi du patient
Personnes ressources
Cellule Plaies et cicatrisation : 021 314 24 98 / cellule.plaies@chuv.ch
- Plaie se péjorant au cours du traitement ou ne montrant aucun signe d’amélioration après un traitement adéquat durant 2-3 semaines
- Plaie profonde avec exposition de structure tendineuse, cartilagineuse, articulaire ou osseuse
- Plaie infectée avec écoulement purulent et réaction inflammatoire péri lésionnelle
- Plaie survenant pendant et/ou après un traitement de radiothérapie et/ou chimiothérapie
Références
- SAfW-section romande. Le soin des plaies : comprendre, prévenir et soigner - Document de référence. 2ème édition. 2017
- OIIQ. Les soins des plaies – Au cœur du savoir infirmier, de l’évaluation à l’intervention pour mieux prévenir et traiter. 2007
- Baranoski S., Ayello E.A. Wound Care Essentials: Practice principles. Wolters Kluwer. 4th edition. 2016
- European Wound Management Association (EWMA), Prise en charge de l’infection des plaies, Document de référence, Londres: MEP Ltd, 2006
- Principes pour les soins de plaies, GRESI, HUG, 2012. http://www.hug-ge.ch/procedures-de-soins/principes-generaux-pour-les-soins-de-plaies#definition
Date de validation | Auteurs | Experts |
---|---|---|
28.02.2019 |
Lucie Charbonneau, ICLS, Cellule plaies cicatrisation et escarres, DC Centre de Stomathérapie, Plaies et cicatrisation, Lausanne CHUV Méthodes de soins, Direction des soins, Lausanne, CHUV |
Procédure de soin
care_process_608
Auteurs
Lucie Charbonneau, ICLS, Cellule plaies cicatrisation et escarres, DC
Centre de Stomathérapie, Plaies et cicatrisation, Lausanne CHUV
Méthodes de soins, Direction des soins, Lausanne, CHUV
Date de validation
28.02.2019
CHUV PROCÉDURE DE SOIN
La documentation de référence
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne