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Procédure de soin

Dermite associée à l'incontinence (DAI) chez l’adulte

Adulte

Généralités

Contexte

Résumé

La dermite associée à l’incontinence décrit les dommages cutanés associés à l’exposition des urines et/ou des selles et se manifestant sous forme d’érythème, d’érosion, de papules, de croûtes ou de pigmentation. Tous les patients souffrant d'incontinence sont à risque d’une dermite associée à l’incontinence. Un plan de prévention individualisé devrait être mis en œuvre pour réduire le risque de la DAI. 

Définition

Lors d’incontinence urinaire et/ou fécale, une réaction inflammatoire de contact peut entraîner une altération de la première couche de l’épiderme du siège (couche cornée). La dermite associée à l’incontinence décrit les dommages cutanés associés à l’exposition des urines et/ou des selles et se manifestant sous forme d’érythème, d’érosion, de papules, de croûtes ou de pigmentation. Les patients peuvent exprimer de l’inconfort, de la douleur, des brûlures, des démangeaisons ou des picotements. 

Les mécanismes suivants occasionnent la DAI :

  • Elévation du pH : le mélange des selles et des urines permet aux bactéries fécales de transformer l’urée urinaire en ammoniac, entraînant une élévation du pH de la peau en contact. La couche cornée devient alors perméable et perd son rôle protecteur.
  • Réactivation enzymatique : Les selles contiennent des enzymes et des sels biliaires inactivés dans le tube digestif. Les enzymes sont réactivées au contact de la peau et irritent cette dernière.
  • Macération – irritations physiques et chimiques : En cas d'exposition prolongée à l’humidité, les cornéocytes (cellules superficielles de la peau) augmentent de volume, du liquide s'accumule dans l'espace intercellulaire et crée de grands espaces de décollement. L'humidité excessive augmente le coefficient de friction de la peau, rend la peau plus perméable aux substances irritantes, offre un milieu idéal pour la prolifération bactérienne et la sensibilise aux produits chimiques.
  • Mycose : La surinfection mycosique est fréquente et survient généralement 3 à 5 jours après une dermite d’incontinence non traitée. Elle est provoquée par la multiplication de levures type Candida Albicans en milieu alcalin. Elle se présente souvent comme une éruption rouge vif se diffusant depuis une zone centrale. Des lésions satellites (papules ou pustules apparaissent sur les marges de l’éruption, se propageant sur la peau saine. Pour les peaux à pigmentation foncée ou lors d’une infection prolongée, la zone centrale peut être plus foncée.

Indications

La présence de l'incontinence urinaire et / ou fécale, même en l'absence d’autres facteurs de risque, devrait déclencher la mise en œuvre d'un protocole de prévention de la DAI approprié afin de prévenir l'exposition à l'urine et les selles et protéger la peau.

  • Prévention : maintenir un état cutané normal
  • Traitement : rétablir un état cutané normal 

Recommandations de pratique

  • La DAI et les plaies de pression ont un certain nombre de facteurs de risque en commun et les deux affections sont plus susceptibles de survenir chez des patients en mauvaise santé et présentant des problèmes de mobilité.
  • Lorsque la DAI apparaît, il existe un haut risque de développement de plaies de pression ainsi qu’un risque accru d’infection et de morbidité.
  • Les patients vulnérables aux lésions cutanées dues à la pression et au cisaillement sont également susceptibles d’être vulnérables aux altérations de la peau résultant de l’humidité, du frottement et des substances irritantes.
  • Tous les patients souffrant d'incontinence sont à risque d’une dermatite associée à l’incontinence. Un plan de prévention individualisé devrait être mis en œuvre pour réduire le risque à la fois de la DAI et celui d’une plaie de pression.
  • Il est souvent difficile pour les cliniciens d’identifier correctement la DAI et de la distinguer de l’escarre (Catégorie I ou II) et d'autres maladies de la peau, telles que la dermatite de contact, ou les lésions dues à des infections (par exemple de l'herpès simplex) ou la transpiration (par exemple, l’intertrigo).
  • Si l'étiologie de l'érythème n’est pas claire, des interventions pour la gestion à la fois de la DAI et de prévention d’escarre devraient être mises en œuvre et examinées afin d'évaluer la réponse attendue.
  • Il est donc important de bien différencier les lésions cutanées liées à un excès d’humidité et celles relevant des escarres. 

Catégorisation de la DAI

L'outil Gent Global IAD Categorization (GLOBIAD) est le résultat d'un projet de deux ans impliquant 22 experts internationaux et 823 cliniciens de 30 pays. 

Le GLOBIAD classe la sévérité de la DAI en fonction de l'inspection visuelle des zones cutanées affectées. Il vise à créer une description internationalement acceptée de la gravité de la DAI et à uniformiser la documentation de cette affection dans la pratique clinique et la recherche.

Risques

Principaux facteurs de risque de la DAI :

  • Type de l'incontinence :
    • Incontinence fécale (diarrhée / selles formées)
    • Double incontinence (fécale et urinaire)
    • Incontinence urinaire     
    • Fréquents épisodes d'incontinence (surtout fécale)
  • Utilisation de produits occlusifs
  • Altération cutanée (par exemple en raison du vieillissement / l'utilisation de stéroïdes / diabète)
  • Mobilité compromise
  • Conscience cognitive diminuée
  • Incapacité d'accomplir une hygiène personnelle suffisante
  • Douleur
  • Température du corps élevé (pyrexie)
  • Médicaments (antibiotiques, immunosuppresseurs)
  • Dénutrition

Evaluation du risque

Prévention et attitude

  • Évaluer l’état cutané des patients avec une incontinence urinaire et/ou fécale afin de vérifier les signes de la dermite d’incontinence. (1x/jour, voire plus en fonction de la fréquence des épisodes d’incontinence).
  • Identifier cliniquement le niveau de risque lié à l’humidité cutanée au travers du score de Braden
  • Inspecter les zones de la peau qui peuvent être touchés : périnée, région génitale, fesses, pli interfessier, cuisses, bas du dos, bas-ventre et plis cutanés (aine, sous le tablier graisseux) pour détecter des signes de :
    • Macération
    • Érythème
    • Présence de lésions (vésicules, papules, pustules, etc.)
    • Erosion ou plaie ouverte
  • Infection fongique ou bactérienne cutanée

Traiter la cause

Prévention et attitude

  • Identifier les facteurs présents de diarrhée et d’incontinence (temporaire ou chronique), et agir si possible sur les causes (schéma WC, etc.)
  • Avoir recourt aux moyens d’aide pour gérer l’incontinence (protections absorbantes, étuis péniens, tampons anaux, collecteurs fécaux)
  • Améliorer la prise en charge de l'incontinence urinaire et amorcer une réflexion, sur les différents types d'incontinence, les facteurs favorisants, les problèmes qui en découlent, les risques qui y sont liés, les protections existantes et enfin, des conseils pour y remédier (cf poster B. Novel

Douleur

Prévention et attitude

  • Les soins lors de dermite associée à l'incontinence peuvent être douloureux et nécessiter une antalgie préventive, sur prescription médicale

Technique de soin

Matériel

1 Solution hydro-alcoolique pour la désinfection des mains

1 Boite de gants non stériles

1 Lingettes imbibées de solution nettoyante (Type : Sinaqua™)

Matériel d’incontinence adapté au patient et au type d’incontinence
Protecteur cutané type Cavilon™ (Cavilon ™ crème ou Cavilon™ Advanced 0.7 ml ou 2.7 ml)
Le format 0.7 ml est idéal pour protéger la peau des enfants pour le traitement de la DAI, pour les adultes, il faut utiliser le format 2.7 ml puisqu’il permet de couvrir une plus grande surface cutanée.

Les produits type lingettes et protecteurs cutanés sont soumis aux changements selon problèmes d’approvisionnements ou de disponibilités. Des produits alternatifs tel que les lingettes Cavilon™ 2 en 1 ou TENA® et la crème barrière WBF® sont des produits validés par la cellule plaies et cicatrisation en cas de rupture de stock.

Préparation du soin

Prérequis

Le matériel nécessaire à la réalisation du soin est déposé sur une surface désinfectée avec une lingette imprégnée d'alcool (plateau inox, chariot de soin, plan de travail, etc…).

Hygiène des mains

A effectuer par friction hydro-alcoolique selon les 5 moments de l'hygiène des mains

  • Identifier les facteurs présents de diarrhée et d’incontinence (temporaire ou chronique), et agir si possible sur les causes (schéma WC, etc.)
  • Avoir recourt aux moyens d’aide pour gérer l’incontinence (protections absorbantes, étuis péniens, tampons anaux, collecteurs fécaux) voir tableau matériel

Déroulement du soin

Prérequis

Le matériel nécessaire à la réalisation du soin est déposé sur une surface désinfectée avec une lingette imprégnée d'alcool (plateau inox, chariot de soin, plan de travail, etc…).

Hygiène des mains

A effectuer par friction hydro-alcoolique selon les 5 moments de l'hygiène des mains

Toilette du siège en cas d’incontinence : 

  • Informer le patient, requérir son accord et sa collaboration. Ecouter ses plaintes et remarques
  • Contrôler l’état de la peau et les indicateurs d’humidité des systèmes de protection toutes les deux heures au minimum chez les personnes à risques
  • Proposer en priorité une douche au patient, afin d’offrir un soin plus confortable et plus adéquat pour la peau
  • Si la douche n’est pas possible, installer le patient confortablement et protéger le lit
  • Nettoyer la peau et la sécher par tamponnement (sans frotter) à chaque changement du système de protection (cf. Déroulement ci-dessous) 
Soins thérapeutiques de la personne incontinente :

  • Laisser à l’air ou si nécessaire, adapter un système de protection adéquat pour gérer l’incontinence (protections absorbantes, étuis péniens, tampons anaux, collecteurs fécaux) voir tableau matériel
  • Privilégier le positionnement permettant l’aération de la zone atteinte
  • Evaluer la pertinence de la pose d’une sonde vésicale 


Incontinence ET absence de rougeur et peau intacte

  • Nettoyer le siège et les plis cutanés avec des lingettes imbibées de solution nettoyante après chaque épisode d’incontinence
  • NE PAS RINCER
  • Appliquer le Cavilon™ crème 1x/jour 

 

Incontinence ET Catégorie 1A - Rougeur persistante sans signes cliniques d’infection

  • Nettoyer le siège et les plis cutanés avec des lingettes imbibées de solution nettoyante après chaque épisode d’incontinence
  • NE PAS RINCER
  • Appliquer le Cavilon™ crème 2x/jour 

 

Incontinence ET Catégorie 2A : Perte de peau sans signes cliniques d'infection

  • Nettoyer le siège et les plis cutanés avec des lingettes imbibées de solution nettoyante après chaque épisode d’incontinence
  • NE PAS RINCER
  • Appliquer le Cavilon™ Advanced 2X/semaine UNIQUEMENT
  • Le Cavilon™ Advanced est imperméable et n’est pas enlevé par le nettoyage ordinaire. Le renouvellement plus fréquent peut aboutir à l’accumulation du produit

 

Incontinence ET Catégorie 1B : Rougeur persistante avec signes cliniques d'infection

Mycoses : traitement de base

  • Effectuer un frottis mycologique sur prescription médicale (squames ou liquide de pustule selon l’aspect de la mycose)
  • Chez la femme, effectuer un frottis vaginal ; si positif requérir une prescription médicale locale ou systémique
  • Effectuer une toilette des zones périnéale et périanale avec du Nizoral® shampoing (sur prescription médicale)
  • Faire mousser le shampoing et laisser agir pendant 2 min.
  • Rincer abondamment à l’eau tiède
  • Sécher la peau en tamponnant
  • Appliquer sur prescription médicale, Imazol® crème-pâte sur la région atteinte 2X/jour pendant 1 semaine (même si plus de lésions visibles)

 

Incontinence ET Catégorie 2B : Perte de peau avec signes cliniques d'infection

Traiter l’infection et ensuite la dermite

Signes d’infection : une décoloration de la peau (suggérant une infection fongique) ou des lésions satellites (pustules entourant la lésion, suggérant une infection fongique à Candida albicans), fibrine visible dans le lit de la plaie (jaune / brune / grisâtre), coloration verte dans le lit de la plaie (indiquant une infection bactérienne par Pseudomonas aeruginosa), exsudats excessifs, exsudat purulent (pus) ou aspect brillant du lit de la plaie.

Finalisation du soin

Hygiène des mains

A effectuer par friction hydro-alcoolique selon les 5 moments de l'hygiène des mains

  • Réinstaller le patient

Suivi du patient

Surveillances

  • Système cutanée
  • Douleur
  • Etre attentif aux plaintes du patient
  • Réévaluation régulière du protocole mis en place
  • Résultats des frottis le cas échéant
  • Se référer à une infirmière spécialiste clinique de la Cellule plaies et cicatrisation s’il n’y a aucune amélioration dans les 3-5 jours suivant le début du traitement (42 498)

Activités de la vie quotidienne

  • Gestion de l’incontinence
    • Identifier les facteurs présents de diarrhée et d’incontinence (temporaire ou chronique), et agir si possible sur les causes (schéma WC, etc.)
    • Avoir recourt aux moyens d’aide pour gérer l’incontinence (protections absorbantes, étuis péniens, tampons anaux, collecteurs fécaux)
    • Améliorer la prise en charge de l'incontinence urinaire et amorcer une réflexion, sur les différents types d'incontinence, les facteurs favorisants, les problèmes qui en découlent, les risques qui y sont liés, les protections existantes et enfin, des conseils pour y remédier
  • Toilette
    • Favoriser les soins d’hygiène à la douche si possible
    • Nettoyer la peau et la sécher par tamponnement (sans frotter) à chaque changement du système de protection

Enseignement au patient et proches

Informer le patient et/ou ses proches aidants des soins et surveillances effectués, des principes destinés à prévenir l'apparition d’une dermite associée à l’incontinence et répondre à leurs questions afin de favoriser une démarche de collaboration, une implication du patient/entourage pour l’application de mesures préventives et la compréhension les actions soignantes.

Retour à domicile

Si l’incontinence est persistante, il est important de mettre en place des actions en vue du retour à domicile du patient. Attention, les produits utilisés en prévention ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie.

Documentation du dossier de soins informatisé

  • Inscrire le soin et les observations dans le dossier du patient en décrivant de manière précise la/les région-s touchée-s

Personnes ressources

Cellule Plaies et cicatrisation : 021 314 24 98 / cellule.plaies@chuv.ch

Références

  1. Beeckman D et al. Incontinence associated dermatitis: moving prevention forward. Wounds International 2015. Available to download from http://www.woundsinternational.com
  2. Beeckman D. et al. The Ghent Global IAD Categorization Tool (GLOBIAD). Skin Integrity Research Group – Ghent University 2017. https://images.skintghent.be/201849155740712_globiadfrench.pdf
  3. Beeckman, D., Van den Bussche, K., Alves, P., Arnold Long, M. C., Beele, H., Ciprandi, G., Coyer, F., de Groot, T., De Meyer, D., Deschepper, E., Dunk, A. M., Fourie, A., García-Molina, P., Gray, M., Iblasi, A., Jelnes, R., Johansen, E., Karadağ, A., Leblanc, K., Kis Dadara, Z., … Kottner, J. (2018). Towards an international language for incontinence-associated dermatitis (IAD): design and evaluation of psychometric properties of the Ghent Global IAD Categorization Tool (GLOBIAD) in 30 countries. The British journal of dermatology, 178(6), 1331–1340. https://doi.org/10.1111/bjd.16327
  4. Fletcher J, Beeckman D, Boyles A et al (2020). International Best Practice Recommendations: Prevention and management of moisture-associated skin damage (MASD). Wounds International. Available online at http://www.woundsinternational.com